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Six semaines après le second tour des élections législatives qui a vu la gauche arriver en tête sans pour autant disposer d’une majorité et a conduit à la démission de Gabriel Attal et de ses ministres, la France ne dispose toujours pas d’un gouvernement. Des noms de possibles premiers ministres circulent, mais le débat sur les programmes qu’ils pourraient mettre en œuvre sans être renversés n’a guère avancé. Pareille situation a des conséquences graves : sous prétexte d’expédier les affaires courantes, le gouvernement démissionnaire, dénué de légitimité démocratique, prend des décisions d’importance, comme la signature des « lettres plafonds » préparatoires au budget 2025.
Cette léthargie prolongée, inédite sous la Ve République, ne saurait perdurer. Des ministres siègent comme parlementaires en contravention à la Constitution. Les électeurs sont fondés à estimer que leur expression démocratique est restée lettre morte. Certes, la Loi fondamentale n’impose pas de délai au président de la République pour la nomination d’un nouveau premier ministre après la démission du précédent, mais elle oblige ce dernier à assurer la « continuité de l’Etat ».
Deux logiques s’affrontent : celle des oppositions qui réclament un premier ministre qui ne soit plus le subordonné du président, mais le chef d’un gouvernement autonome à l’écoute du Parlement, et celle d’Emmanuel Macron qui entend rester « maître des horloges » et garder la main sur la politique du pays, ne tolérant qu’un « parfum de cohabitation ». La consultation annoncée par l’Elysée pour le vendredi 23 août, des présidents des groupes parlementaires et des chefs de parti en vue de former un gouvernement, tend à renvoyer aux formations politiques une responsabilité qui est d’abord la sienne : montrer qu’il a écouté les Français en nommant un premier ministre reflétant leur choix, à charge pour le Parlement de nouer les alliances, de passer des compromis en vue de l’investir ou de le censurer.
En affirmant n’avoir « pas envie que la vie reprenne ses droits », M. Macron exprime sa réticence à refermer la parenthèse enchantée des Jeux olympiques de Paris. Certes, leur succès retentissant a sorti les Français de l’atmosphère de stress où le président les avait plongés avec sa dissolution surprise et le risque de l’accession au pouvoir de l’extrême droite. Mais si les Jeux laissent le pays plus confiant en lui-même, ils ne sauraient gommer l’échec électoral subi par le président ni lui permettre de jouer la montre.
Terriblement complexe, l’équation politique de cette rentrée 2024 doit être résolue dans les meilleurs délais. Pour ce faire, il y a urgence à sortir d’un double déni : celui du chef de l’Etat qui voudrait faire comme si les élections législatives, qu’il a lui-même provoquées, n’avaient pas eu lieu et laisser inchangées sa politique et sa pratique du pouvoir. Mais aussi le déni d’une partie de la gauche qui, même si sa candidate Lucie Castets s’est assouplie, continue de faire croire qu’elle peut gouverner seule, voire, comme Jean-Luc Mélenchon, préfère brandir l’illusoire menace d’une destitution du président, plutôt que de proposer une formule viable de gouvernement.
Seule la levée de ces faux-semblants peut permettre à l’essentiel – les projets concrets d’un futur gouvernement – de prendre le pas sur la stérile foire aux noms qui, tout l’été, a tenu lieu de débat politique.
Le Monde
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